Voici la version la plus avancée de ce que nous nommons au sein du groupe un «praticable sculptural» : un dispositif interactif d’envergure favorisant l’échange entre les artistes et le public jusqu’à brouiller les rôles très efficacement.Même si nous avons conçu un protocole d’activation pour cette œuvre tout le monde est libre de le respecter ou de s’en départir. C’est donc une multitude de moments de vie que nous avons partagé avec de nombreuses familles venues parfois à plusieurs reprises se divertir dans ce manège onirique. Le salon de Passage prend la forme d’un ponton dont la passerelle est constitué de matelas de massage sur lesquels les volontaires étaient invités à s’allonger pour permettre à d’autres de passer d’un côté à l’autre du lieu d’exposition. C’est donc à tour de rôle que certaines personnes étaient massées ou masseurs. La traversée de cette passerelle étant le prétexte à un échange physique souvent hilarant. Pour fabriquer ce fameux ponton de dix mètres de long il nous a fallu collecter de très grandes sections de bois d’ailante. C’est une plante invasive dont la tige atteint la robuste circonférence d’un jeune tronc d’arbre au bout de seulement quelques mois de croissance. L’ailante pousse largement dans les terrains vagues du quartier de Plombières, c’est donc très proche de notre lieu d’exposition que nous avons glané la matière principale de notre œuvre. Nous récupérons souvent via circuit-court des matériaux indispensables à notre travail et ce sont souvent des matériaux dits «nonnoble» ou indésirables que l’on détourne de leurs fonctions initiales. C’est le cas aussi pour les chambres à air qui nous ont permis de ligotées les différentes sections du ponton. Nous avons aussi dotées les longues branches nues de fausses feuilles d’aspect verts métalliques que nous avons directement découpées dans des canettes de bière récupérées dans le terrain vague. Autour de ce ponton était aussi présent un vase en céramique présentant sur ses faces les différentes étapes de fabrication de l’oeuvre sous formes de scénettes peintes. L’œuvre a été monté in-situ dans le lieu d’exposition les quelques jours précédents l’ouverture au public. Au moment où l’exposition a pris fin nous avons décidé de ne pas détruire l’œuvre mais de la déplacer sans la démonter dans le terrain vague dont sont issues les matériaux. Le transport a nécessité plus de dix personnes conférant à cette action de manutention une aura cérémonielle car à nouveau ce sont plusieurs personnes qui ont agi ensemble dans un sens commun et partager l’objectif final ; rendre au lieu de prélèvement sa ressource après manipulation. Aujourd’hui l’œuvre Le salon de Passage repose toujours dans le terrain vague en face des 8 pillards, elle est surtout visible aux automobilistes roulant sur l’axe du viaduc de Plombières.